une 4xposition 202.2
une 4xposition 202.2

une 4xposition 202.2

Imaginer une exposition, puis inviter des artistes et photographes, qu’ils soient connus ou inconnus, mais que l’on suit au fil de leurs publications sur telle ou telle plateforme, tient du désir. Désir de partager, de faire connaitre, de mettre peut-être en lien, de construire un territoire ténu, commun, numérique et réel.

C’est également un exercice réjouissant pour soi : entre la recherche, les découvertes de nouvelles séries, et la surprise, au détour du mail et de la photographie proposée, qui précède de quelques semaines, parfois de quelques jours seulement, la publication sur le site du collectif.

Chaque artiste invité.e décide, et propose l’image qui selon elle ou lui, matérialise, dévoile ou raconte le présent. Que ce soit le présent de l’artiste et de ses questionnements, ou le présent d’une rencontre, d’un projet qui démarre, d’une recherche qui se poursuit.

Le lien entre les différentes images est à chaque fois étonnant. Semaine après semaine, il peut même sembler évident. Déjà en germe dans l’invitation initiale ?
Cette année, c’est la question du temps et de l’individu qui émerge, prenant le contrepied de l’instant décisif, qui définit si souvent (un peu trop rapidement) la photographie et qui la réduirait à un cliché toujours volé.

Les deux premières images, qui paraissent inhabitées, révèlent une vie et une activité hors cadre, hors champ. Le reflet du linge sur son fil et son imperceptible vibration dans le travail d’Elisabeth Laplante, répond au décor immobile de la rue sous la neige de Laurent Ramade. L’un et l’autre donnent une représentation du temps qui s’étire, du temps long, dans le geste le plus quotidien qui se renouvelle toute une vie ou dans le froid d’un soir au cœur de l’hiver, qui va durer encore un peu. La délicatesse des deux photographies laisse de la place à la rêverie, aux sensations, aux souvenirs aussi. Alors que nos yeux se perdent dans la perspective de la rue et la profondeur de l’eau, qui est aussi celle du ciel en reflet, nous regardons ce qui nous est commun. Cette succession d’actions ordinaires qui nous lient aux autres, un parcours dans la vie et dans la ville, la lumière d’une boutique ou la chaleur de l’appartement que l’on rejoindra bientôt.

Les quatre photographies suivantes présentent un corps, un visage, un regard invisible ou frontal. La peau est immédiate, tangible, en cela elle capte le regard et impose le sujet et notre humanité commune.

Le diptyque de Renaud Buénerd fige l’instant d’une chute, qui, avec toute la force d’un jaillissement, serait ainsi bien plus une éclosion qu’un aboutissement. Le corps est en mouvement, il se déploie sur le fond de végétation, sa chute ne sera qu’une étape, les couleurs, le bleu du ciel sur le pied du tabouret, le sourire en coin de l’objet, disent bien que ce n’est pas si grave, pas si haut. La sculpture qui y répond s’est forgée dans le temps, composition colorée et patiente (ou pas), appelée peut-être à grandir, elle est prête à saisir ce qui viendra, de ses multiples extrémités : mains, côtes, aiguilles.

La semaine suivante, dos nu elle observe. Et nous l’observons.
Valentina, sous le regard et l’appareil de Carla Yovane, livre et explore son cheminement. Elle accueille sur son épaule, elle considère le décor qui là aussi forme un écran, un écrin. Elle affirme sa présence, entière, dans toute sa multiplicité et avec chacune de ses cicatrices. Son immobilité raconte là aussi l’étape qui a lieu, et comme elle est le fruit d’une progression. Mais le geste suivant est déjà inscrit dans le corps et dans l’image, le pas de plus qu’elle fera ensuite offre autant qu’il autorise le mouvement, et l’avancée qui en découlera.

D’une façon similaire, Samira Kafala a capté une image constituée de la somme d’instants et de moments qui se répondent. Le corps et son reflet, l’enfant et son devenir. La couleur chaude de la lumière et de l’eau tourbée enveloppe. Les mains affleurent, un sourire et une parole pourraient jaillir du visage au bas de l’image. Celui en reflet est incertain mais son regard est décidé, tourné vers l’avenir, vers la berge, les copains ou la famille. Le mouvement, autant que la curiosité et l’attention sont là, présents dans l’image, perceptibles dans le corps et l’énergie de l’enfant, debout.

Le corps ensuite se retourne et fait face, dans l’image de Jessica Décembre.
A nouveau le regard explore, celui du modèle autant que le sien, l’observation est réciproque. Le temps ici s’inscrit dans une succession de voiles qui filtrent la peau du visage. La photographie est faite de la superposition de plusieurs rencontres. Comme si les reflets accumulés dans le miroir se donnaient à voir d’un seul regard. On y lirait du temps qui passe et des émotions, les échos du quotidien, et ce moment renouvelé ou pas, fugace ou non, où l’on se dévisage, où l’on se considère réellement.

Merci aux artistes de leur confiance et de leur générosité, qui livrent une image choisie et précise, émergeant du flot continu environnant. Ici, une seule image, son titre et une éventuelle explication, semaine après semaine vous a été proposée. Du 14 novembre au 25 décembre 2022.

Les photographies sont à nouveau toutes en ligne.
A vous de suivre les chemins qu’elles esquissent.

Pauline Sauveur
(22 janvier 2023)

© Laurent Herrou, Saint Georges d’Oléron, 2022