une 4xposition . renaud buénerd
une 4xposition . renaud buénerd

une 4xposition . renaud buénerd

Quatrième édition de ce projet numérique que nous avons initié en 2018, Une 4xposition se donne pour ligne directrice d’exposer six artistes pendant six semaines d’affilée, à raison d’une photographie par semaine — soit : un.e photographe présenté.e chaque semaine, à qui nous demandons de faire un « état des lieux » de son travail à l’instant t à travers un cliché unique. Libre à elle ou à lui d’accompagner l’image d’une explication, d’un texte, ou seulement d’un titre : le désir que nous avons est de réunir six visions, sans imposer un thème précis mais avec l’intuition que sans se connaître, ni s’être concertées, ces six images auront des choses à se dire, se répondront peut-être, voire se complèteront.


tentative d’équilibre


« Le vent ne passe pas mais je sais que s’il venait à couler il aurait sur ma peau une inacceptable douceur. Les frelons et les mouches grasses se gavent de figues éclatées, ils fouillent goulûment dans les viscères offertes, c’est la fin de la saison, les fruits trop mûrs s’écrasent au sol, les insectes se jettent contre les vitres, étourdis ils tournoient un moment avant de se ressaisir, de reprendre leur vol, jamais repus, ils sont déjà en quête d’une autre charogne, d’un peu de miel. Le silence se creuse encore d’un silence plus profond quand les oies sauvages passent là-haut en ligne ordonnée. Je tords mon cou pour suivre leur progression impeccable, l’abîme blanc et laiteux m’aveugle, je chancèle, les oiseaux migrateurs disparaissent, tout se tait encore, les feuilles d’elles-mêmes se détachent des branches, je ne tiens plus l’équilibre, vaincu, je fais un pas, je me redresse, je ferme les yeux ou tout à la fois. C’est aujourd’hui le dernier des beaux jours, je dis en caressant les poils bruns qui courent comme un champ d’herbe dru sur mon ventre, c’est fini. »


J’ai réinventé comme je vous l’avais suggéré une série que j’ai réalisée il y a quelques années : «  tentative d’équilibre ». C’est une histoire purement photographique. Ce qui m’intéresse là-dedans, c’est le moment exact avant la chute et le fait que l’instant proposé s’impose évidemment comme éphémère (tout moment chaque minute l’est par essence) mais le moment tenu de l’équilibre instable porte en lui la promesse de son immédiate destruction.

La série originelle était une édition de 24 pages proposant 12 diptyques en vis à vis, un équilibre instable à droite d’objets hétéroclites, en regard d’un autoportrait en mouvement gymnique (autant que faire ce peut) moi-même dans toute ma naturelle simplicité juché en équilibre précaire sur quoi que ce soit pouvant servir de socle (chaise, escabeau ou autre).
Évidemment le questionnement glisse légèrement hors du simple « instant avant la chute » quand on met en regard ce qui s’impose comme une sculpture combinatoire et une sculpture classique (une installation, une combinaison moderne d’objets VS un nu de marbre sur les places de nos villes). 

J’ai fait cette image le 30 octobre 2022, ça tombe bien, c’est le jour du passage à l’heure d’hiver, le jour idéal pour tout achever, pour mourir, le jour parfait du « Nagori », je voulais trouver pour votre invitation une manière de ressusciter quelques-uns des 300 objets que j’ai réalisés depuis 2020, j’ai donc repris cette histoire d’accumulation en équilibre d’objets mais avec quelques-uns des objets façonnés depuis trois ans. 

À ce diptyque j’ajoute un texte, un journal d’observation de la nature, du type de ceux que j’ai écrits de mars 20 à août 22, je vous laisse libres d’ajouter, ou pas ce texte à l’image : pour moi, il lui répond sans en être absolument indissociable.

Voilà. Voilà comment je vois l’état des lieux. Où j’en suis ? Je n’en sais rien, pour l’instant ça tient, mais je ne connais pas la fin.


renaud buénerd

Je suis  né en 1965 dans l’Isère.

Diplômé de l’école des Beaux-Arts de Grenoble puis de l’Institut français de la mode, j’ai longtemps travaillé dans la mode avant de créer en 2005 les éditions du Chemin de fer, que je co-anime avec François Grosso. 

Je vis aujourd’hui  entre Paris et la Nièvre, et je mène parallèlement une activité professionnelle de graphiste et un travail artistique personnel que je ne montre que rarement.

Je pratique le dessin, la photographie, l’écriture. 




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© Michel Valenza