une 3xposition 202.1
une 3xposition 202.1

une 3xposition 202.1

Six photographes. Six photographies. L’idée nous est venue, à Pauline Sauveur et à moi-même, en 2018. Public Averti avait parlé du deuil l’année précédente, parce que nous avions perdu l’une et l’autre, en plus d’une personne chère, un lieu, physique, dans lequel la création était possible et que la cruauté de la vie nous retirait. Nous avions été virtuels le temps d’une exposition d’automne qui se visitait sur la page d’un éditeur pluridisciplinaire, Conspiration — le site de Public Averti n’existait pas encore. À y réfléchir, l’Automne 3 regroupait déjà six artistes, et lors des deux éditions précédentes, nous avions également invité six artistes. Ce serait donc une fois encore au nombre de six que nous déclinerions l’initiative qui remplacerait les expositions d’automne, auxquelles nous avions d’une certaine manière dit adieu en 2017, mais dont l’écho persistait en nous.

Six photographes, six photographies pendant six semaines, pour une exposition numérique. Parce qu’internet a cet avantage que l’image y est embellie, quel que soit le format de l’écran qui la diffuse. Parce que nous avions compté six semaines qui nous sépareraient alors des vacances de fin d’année. Parce que nous aimions l’idée d’être fidèles à quelque chose, même si nous n’en comprenions pas exactement la portée — un peu comme une donnée ésotérique qui viendrait nous agacer au cœur d’un rêve mais qui serait capitale sans que l’on ne sache exactement pourquoi. Pour la première édition de Une Exposition (2018), nous avons obtenu très vite (et nous les en remercions) six accords : Michel Picard, Clara Mill, Emmanuelle Corne, Thibault Pastierik, Laëtitia Gossart et Vincent Descotils se sont exposés à tour de rôle, à raison d’une photographie unique pendant une semaine (c’était le postulat de départ). Même chose en 2019, bien que les artistes fussent au nombre de sept, deux d’entre elles travaillant ensemble aux mêmes projets : les Sœurs Chevalme donc, Erick Flogny, Elsa Guénot, Camille Carbonaro, Philippe Dollo et Joël Alain Dervaux ont rejoint notre collectif pour cette deuxième édition qui, comme la précédente, se visitait sur une page dédiée.

Nous avons, avec la deuxième promotion de Une Exposition, dénoncé cette année-là la censure qui s’insinuait dans les réseaux sociaux, et cette dénonciation nous a conduits, Pauline et moi, à remettre en question la légitimité de notre présence sur ces mêmes réseaux. Nous nous sommes interrogés, après le premier confinement et ses conséquences, sur la pérennité de Public Averti dans ce monde d’après que nous vendaient les médias mais qui n’était rien d’autre qu’une illusion supplémentaire dans un contexte qui s’obstinait à répéter ses erreurs. Nous nous sommes demandé ensemble si des erreurs, nous en commettions nous-mêmes.

Nous avons suspendu notre activité une année, qui marque une étape dans notre réflexion, un temps 0 en quelque sorte, au même titre que 2020 avait incarné un arrêt momentané du temps, avant son redémarrage.

En 2021, nous avons décidé de nous réinventer en nous appropriant ce fameux « temps » : Public Averti .1 est né sur l’île d’Oléron. Trois expositions physiques ont eu lieu à Saint-Denis d’Oléron, avec un succès d’estime non-négligeable. Et quand l’automne fut à nos portes, nous avons lancé un nouvel appel vers six photographes que nous avions remarqués l’un et l’autre. Nous avons reçu en réponse six photographies, comme nous l’espérions. Nous avons rencontré cette fois encore six univers artistiques dont nous envisagions avec excitation la richesse, à juste titre : nous n’avons pas été déçus. Fabrice Domenet, Marie Docher, Alain Licari, Otto Zinsou, Sandra Reinflet et Hélène Langlois ont été très généreux avec nous. Généreux, par les images qu’ils nous confiaient, mais surtout dans les échanges que nous avons eus avec eux, avec elles, au fil des amitiés que nous construisions et des remerciements qu’ils, elles nous adressaient.

Si la première édition était narrative dans son contenu et la deuxième, davantage engagée, politique, nous avons été heureux de voir se dégager cette année une nouvelle ligne directrice : identitaire et sociétale, Une 3xposition a questionné cette fois le genre (Zinsou, Licari), le statut de l’artiste (Reinflet, Docher), jusqu’à l’image elle-même et sa monstration (Domenet, Langlois). D’une « Épiphanie » visuelle à la visite réfléchie d(‘)u(ne) « Louv[r]e » ; de la rencontre d’ « Oumar Ball », un sculpteur mauritanien, à celle des femmes d’un « Village (de) Guinée » ; d’un épiderme en quête de lui-même (« S’enforester ») à ces deux corps qui s’aimantent aux sons colorés des basses d’une soirée parisienne (« Wet for me »), cette troisième édition a mis en perspective l’humain et le regard que l’on porte sur lui, que l’on (en) soit l’artiste, le modèle, le photographe ou le spectateur. À la recherche d’un positionnement entre ces différents rôles — qui regarde ? que regarde-t-on ? qui nous regarde en retour ? —, elle est en quelque sorte la démonstration d’une justesse avérée, et personnelle à chaque photographe : celle de la distance choisie par chacun, par rapport à la « peau » (la surface, l’enveloppe, la réalité physique ou immatérielle) de son sujet.

Les six photographies resteront visibles sur le site de Public Averti, ainsi que les pages que nous avons dédiées aux six photographes : c’est la nouveauté de cette troisième édition et c’est ce que nous a permis la création de cette interface avec vous. Les photographies des éditions précédentes quant à elles sont toujours visibles sur les pages qui les regroupent et dont vous trouverez les liens sur notre site.

Laurent Herrou
(Janvier 2022)

Public Averti .2

©pauline sauveur, helsinki, 2015