une 5xposition . éric l’anthoën
une 5xposition . éric l’anthoën

une 5xposition . éric l’anthoën

Cinquième édition de ce projet numérique que nous avons initié en 2018, Une 5xposition se donne à nouveau pour ligne directrice d’exposer six artistes pendant six semaines d’affilée, à raison d’une photographie par semaine — soit : un.e photographe présenté.e chaque semaine, à qui nous demandons de faire un « état des lieux » de son travail à l’instant t à travers un cliché unique. Libre à elle ou lui d’accompagner l’image d’une explication, d’un texte, ou seulement d’un titre : le désir que nous avons est de réunir six visions, sans imposer un thème précis mais avec l’intuition que sans se connaître, ni s’être concertées, ces six images auront des choses à se dire, se répondront peut-être, voire se complèteront.


Even though you’re not there, I watch you on the shore, standing by the ocean.

Des cadres, dans un temps suspendu, défient la chute des corps, décloisonnent, déforment l’espace de leur présence. Des instantanés que l’on traverse pour changer de dimension, comme échappatoires à la gravité toute relative et parfois surjouée du monde. Vertige d’une pensée fixant l’univers et son modèle mathématique en chemin vers leur effondrement harmonique.

Entropie galopante, la profusion des images me submerge depuis longtemps. Effacer des tableaux pour qu’il n’en reste qu’une vague mémoire par transparence ou comme dans cette dernière série, démarrée en 2021, limiter à une variation formelle l’organisation des pixels autour d’une marge au tiers et d’un cadre intérieur orienté vers une autre projection de l’espace.

L’image présentée ici est une parcelle de ce dernier vaste projet qui se regarde, soit sous la forme d’une mosaïque de variables, soit dans le temps morcelé d’un théâtre optique à scroller. Les lignes et les couleurs sont tirées de différents horizons, paysages, objets du Nord au Sud de l’Europe. En limites floues ou acérées, en lumières fades ou brûlantes, tout ce qui est sous ou au-dessus de nos yeux se fige en plans et en lignes, offre des perspectives bien plus vastes que l’espace qui les contient.

Les images ont, chacune, leur identité géométrique et mathématique, en équation avec des instants de vie, tels des papillons, épinglés, disloqués par la démesure de ce qu’ils évoquent : Richard Brautigan, L’ostinato du requiem de Fauré, les accords de Bill Evans sur Flamenco Sketches, les traces des hétéronymes de Pessoa, les marches de l’empirisme dans les escaliers d’Édimbourg, les présocratiques sur les côtes de l’Attique. Chaque fois le besoin de s’éblouir, avant que la lumière ne s’éteigne, de se relier à l’univers entre complétude et finitude.

Je trahirais ma pensée en exprimant clairement ce que je ressens confusément. Des flashs en cut-up, un besoin de sortir des zones de confort, pousser les curseurs, échapper à l’ennui. Je fige la réalisation lorsque les possibilités d’interprétations de l’image me dépassent. Un exercice de cohérence globale dans le chaos, en restant lisible à moi-même et peut-être aux autres. Frontières d’horizons, incarnations de la possible désorganisation de nos pensées décalées. Dépasser la ligne, les bouées jaunes, plonger dans le ciel, figer la chute avant l’impact.

L’œuvre est ouverte, je l’arrache à la tourmente de mon insatisfaction permanente. Je joue à faire grésiller les perceptions, associer les images à des titres non descriptifs, au fil conducteur de mes passions successives. M’accrocher à la méthode scientifique, penser à travers Spinoza, aller du côté de Deleuze surfer le « pli » de mes pulsions créatrices lorsqu’elles déferlent. Naviguer entre l’euphorie et les longues périodes de perplexité. Être addict à ces instants d’immense plénitude, lorsqu’après une période de doute, les synapses frétillent et illuminent la pensée pour quelques heures.

Ces cadres comme des tables de désorientation nous renversent, nous basculent dans les espaces. Pénétrer l’infini du regard, un vertige, la bouleversante sensation de fixer l’univers au fond des yeux.


éric l’anthoën

« One foot on the shore, one foot on the sea »
Je me souviens du planisphère au mur de ma chambre, les océans étaient bleus, pas exactement du même bleu que la mer que je voyais par la fenêtre, mais mon expérience quotidienne de la limite du rivage donnait au tracé des frontières une réalité familière.

Des formes et des frontières
Je me souviens qu’aux Beaux Arts à Rennes, en 1990, les murs de l’atelier d’Erwan étaient couverts de tableaux blancs. De grandes formes patatoïdes se détachaient sur des plaques peintes au plâtre et au goudron. J’étais impressionné par ces entités flottantes, caractérisées par des qualités de bords, définies par des rapports entre l’intérieur et la marge. Je me suis approprié ce sujet en 1997, année de la sortie de la nouvelle traduction du Don Quichotte par Aline Shulman et du Borges en Pléiade. J’ai rencontré chez ces auteurs l’assise d’une lecture de l’espace que je ne faisais qu’entrevoir : Le monde s’organisait maintenant par les cheminements, des bifurcations, une présentation couverte de labyrinthes, de variations d’échelles et de plans.


Dessiner sur le sol
En 1997 à Saint Michel en Grève la porte de l’appartement donnait sur une des plus vastes plages du Trégor. L’intérêt particulier de ce lieu, au delà de l’espace d’inscription chaque jour renouvelé, est un rocher d’une cinquantaine de mètres de haut, dominant la plage.
(…)
La suite à lire sur le site de l’artiste.


Liens :

Le site d’Eric L’Anthoën

Instagram